Subterranean Duplex Solution

Résidence à La Planésié, Castres, France.
AFIAC / APAJH 81
De septembre 2015 au janvier 2016.
Dans le cadre des projets «Culture et Santé»
l’Agence Régionale de Santé (ARS) et la Direction des Affaires Culturelles (DRAC) Midi-Pyrénées
 
Cette résidence fut une expérience profonde pour moi, pas seulement la rencontre avec des résidents de la foyer thérapeutique, La Planésié à Castres, qui sont d’ailleurs devenus mes amis, mais aussi la relation avec Isabelle Vasilic, psychologue, qui a ouvert mes yeux à d’autres enjeux en marches dans les processus de la création. Souvent dans ce type de résidence on pose la question, à qui adresse l’oeuvre? Aux personnes handicapées? A tout le monde? A personne? J’aimerais répondre en disant que cette oeuvre s’adresse au lapins. En effet, «Subterranean Duplex Solution» est ma deuxième tentative à offrir une vie moderne à nos petits amis.
 
David Michael Clarke
 
 
Subterranean Duplex Solution. David Michael Clarke. Residence AFIAC / APAJH 81 La Planésié, Castres. De septembre 2015 au janvier 2016.
 
 
Je commence par expérimenter le Modulor appliqué à l’échelle des lapins.
modulor-lapin
 
 
La vie à La Planésié. Début de la résidence. Début des rencontres. Les dimanches on fait des sorties. Je pu découvrir le quartier du Mirail, grand ensemble bâti par l’architecte Georges Candilis, et les rochers extraordinaires de la Sidobre.
 
 
 
 
Afin que les résidents puissent acquérir une sensibilité pour les matériaux de construction, notamment le béton, nous commençons à faire des «Lapins» ensemble.
 
 
 
 
Les architectes modernes sont souvent décriés comme auteurs de l’échec de la reconstruction et de l’habitation collective en générale. Pourtant la réussite de certaines villes comme Royan suggère une autre lecture.
 
 
 
 
Je regarde bien des documents dessinés par Le Corbusier. Dans la garage de La Planésié je démarre le chantier de notre duplex à l’échelle des lapins.
Dessin pour duplex. Le Corbusier.
 
 
Après plusieurs semaines de travail, c’est venu le moment de l’enfouissement de notre oeuvre, d’offrir le duplex aux lapins.
 
 
 
 

 
 

Discours d’Isabelle Vasilic lors de l’inauguration

Nous sommes très heureux de vous accueillir aussi nombreux parmi nous ce soir pour partager le troisième événement de cette journée, le vernissage de DMC. David a trouvé abri au Foyer La Planésié en Septembre 2015, dans le cadre de la résidence d’artiste liée au projet Culture Santé DRAC/ARS, APAJH/AFIAC. Il repartira vers de nouvelles aventures artistiques la semaine prochaine.
David s’est glissé dans le contexte en multipliant les rencontres formelles et informelles avec les Planésiens et les personnels. Il est arrivé ici avec une IDEE qui avait déjà germé ailleurs. Mais les idées sont aisément transportables et transposables. DAVID a l’art de l’idée. « Quand quelque chose est fait dans l’esprit, il ne peut être défait » disait SOL LEWITT, artiste conceptuel.

«Qu’est ce que j’ai vu dans votre jardin?»
«Des lapins.»

Construire une cité radieuse, un duplex souterrain pour des lapins voilà l’idée ! Chercher une solution pour améliorer la vie quotidienne de nos amis lagomorphes ! Ainsi David a inventé un problème qui n’existait pas pour créer une solution ! Il a bousculé tous nos repères pour nous entraîner dans la construction d’une œuvre à priori absurde, déconcertante. La logique de l’absurde est venue renverser nos représentations habituelles et rationnelles du monde.

Cette proposition architecturale, cette utopie, nous a déstabilisé, à la fois rieurs et consternés, découvrant des émotions inexplorées et leurs pouvoirs.

Puis cheminant avec David, nous avons joué avec ce non-sens, l’apprivoisant jusqu’au bout du processus artistique. Faire abstraction de l’utile nous a conduit jusqu’à l’oeuvre.

Je ne vais pas ce soir vous raconter comment toute cette histoire d’architecture moderne s’est déroulée, mais vous pourrez échanger tout à l’heure avec David et les Planésiens. Cette histoire est la leur. Ils ont été témoins du projet et donc du processus créateur depuis le début. Ils ont contribué à la réalisation de l’oeuvre de par leurs idées et leurs rencontres avec la matière : argile et béton. Vous avez peut-être aperçu au-dehors les bas-reliefs. Ce travail de moulage s’est répété, en écho peut-être à la profusion des lapins, un processus infini de reproduction, ou encore une tautologie. Une maison pour les lapins, un chantier comme prétexte pour évoquer les architectes les plus grands: LE CORBUSIER, Walter GROPIUS, Oscar NIEMEYER .

Plus encore, David a proposé un voyage de recherche autour de l’architecture moderne à ROYAN, mais aussi la visite du Mirail et du Sidobre. Des contextes variés et réunis ici pour exploiter des territoires et des débats toujours actuels : projets urbains, disparition du patrimoine, architecture brutaliste, échec des habitations sociales, des grands ensembles…

Maintenant quelques mots sur un moment exceptionnel de la résidence: la cérémonie de l’enfouissement de l’oeuvre, de la cité radieuse, du duplex. L’oeuvre a disparu le 15 décembre 2015, a été enfouie en grandes pompes. Je ne le savais pas mais il existe une Agence d’Enfouissement des œuvres et d’oeuvres d’art. L’Agence explique que ce processus transforme «le productivisme antérieur en un commentaire évènementiel dans l’invisible actuel».

L’ oeuvre vous ne la verrez pas dans sa réalité, vous verrez seulement son réel que vous essaierez d’attraper dans la vidéo installée au Club des Planésiens. Cet art de la disparition a fait son apparition depuis peu dans l’ère contemporaine. Ces performances s’inscrivent à contre-courant de la visibilité en constante progression qui conditionne la logique commerciale. L’accessibilité de l’art et le tout spectaculaire valorisent l’art dans ce qu’il n’est pas, l’objet du musée, des collectionneurs, de la marchandisation. Ce pied de nez renvoie aux valeurs fondatrices de l’art qui ont à voir avec le mystère, le « bruit secret » dirait DUCHAMP.

Les Planésiens sont ainsi devenus les « Story tellers » ou en français, la mémoire individuelle d’une histoire commune entre eux et l’artiste. Ils raconteront cette histoire et renoueront ainsi avec la tradition orale et les mythes. Marina ABRAMOVIC énonce que l’art est une question d’énergie et que l’énergie est invisible ! Cette cérémonie a immortalisé l’oeuvre dans notre mémoire et nous a rappelé le cycle de la vie, et son renouvellement.

Comme vous avez pu l’entendre du moins je l’espère, cette résidence nous a propulsé dans une rêverie sérieuse et joyeuse avec des lapins qui se sont certainement installés à l’heure où je vous parle dans ce merveilleux subterranean duplex.

Je vous souhaite un agréable vernissage. Le vernissage à l’origine permettait aux peintres de vernir leurs tableaux sur place, le peintre exposant avait la possibilité de vernir ses toiles… BIENVENUE DANS LE SALON DE DAVID MICHAEL CLARKE.