Flying Black Cow Club

Chez Alice & Michel.

St Paul Cap de Joux. Afiac, 2012.

Préambule # 01

J’ai récemment découvert le projet pour la vie rurale mené par Le Corbusier dans les années 30. Le projet a été et est toujours radical. L’ancien village de Piacé (Sarthe) aurait été rasé et remplacé par un village coopératif et ‘radieux’. Dans le village, Le Corbusier a pensé à un club; un lieu de rencontre et d’échange; un lieu où les paysans puissent participer aux activités culturelles ou sportives, ou tout simplement partager un verre et dialoguer. Ce serait grâce à cet échange d’idées, que le village pourrait évoluer. Selon Le Corbusier, le club pourrait être perçu comme le cerveau du village. Par la suite, j’ai décidé de m’interroger sur cette idée d’un club.

Préambule # 02

One day, while crossing the Mayenne, I came across a remarkable demonstration. A factory had polluted the neighbouring fields. The milk produced by two herds of cows had become undrinkable. So the cows were slaughtered. The farmers expressed their anger in a very sculptural way. Six gallows were erected and cow heads, cut out of black cardboard, were hung from them. This was a powerful gesture. Like kites, the heads flew away in the wind. In automatic reaction, I uttered aloud, « Wow! Flying Black Cows! » and subsequently, « Flying Black Cows … this could be the name of my club! »

 

 

 

 

Projet #01 : Les vaches volants

Alors, pour annoncer que quelque chose se passait dans cette petite exploitation à quelque cinq kilomètres du village le plus proche, nous avons fabriqué des vaches et les avons envoyées voler dans le ciel au-dessus de la ferme.

 

 

Projet #02 : Le boulier géant

Dans le Tarn, Alice et Michel Séon m’ont témoigné de leur vie dans l’agriculture. Ceci a été un long parcours à partir du remaniement de la plaine, à travers une époque d’exploitation intensive, afin d’arriver à un grand projet de développement durable. Aujourd’hui ils sont à la retraite et leurs enfant ont repris la ferme. Pourtant, ils ne sont pas pour autant désengagés. Alice et Michel Séon ont vécu leur vie professionnelle avec passion. Ils continuent d’être passionné par les challenges qui confrontent les paysans d’aujourd’hui et qui confronteront les paysans de demain. Ce sont des gens très responsables et ils tiennent à laisser la terre dans la même condition qu’ils l’ont trouvé.

Lorsque j’ai fait un tour de la ferme, je suis tombé sur un énorme tas de pneus. Je me suis dit que je pourrai m’en servir pour faire une sculpture, mais quand j’ai suggéré l’idée à Alice, elle avait l’air troublée. C’était la génération d’Alice et Michel qui a amené les pneus aux fermes. Ils s’en sont servi pour la construction des silos. Aujourd’hui les jeunes agriculteurs utilisent d’autres méthodes, ainsi les tas de pneus pourrissent, polluent et gâchent le paysage.  Alice et ses camarades ont crée une association afin d’étudier le problème avec l’espoir de pouvoir assurer le recyclage. Pour commencer, ils ont recensé tout les tas de pneus usés qui dorment dans la communauté de communes. Seize mille huit cent quatre vingt quatorze pneus ont été déclarés.

Mon père vient d’Hong Kong. Un souvenir d’enfance : mon père faisant ses calculs  sur son boulier chinois. Le boulier chinois est une machine très ancienne. Il y a très peu d’écart entre sa forme et sa fonction. La fonction est d’assister l’homme à répondre à ses challenges. J’ai songé créer un boulier chinois géant et écrire cette énorme chiffre dessus.

 

 

Projet #03 : Le jeu de quilles

Retournons au projet de Le Corbusier, et son idée d’installer un club au cœur du village coopératif. C’est assez clair que pour lui le club aurait été beaucoup plus qu’un simple équipement culturel. Plutôt, il a vu le club comme un outil de travail. J’ai commencé à réfléchir sur les différents prétextes de rencontres post-travail qui existent dans le milieu rural en France. L’apéritif et le jeu de pétanque sont sûrement les plus populaires. Depuis fluxus, l’art est souvent perçu comme lieu de rencontre, mais pourrait-t-on penser le jeu de pétanque comme outil de travail  ? J’ai décidé d’élaborer un projet hybride … une installation participative, un lieu de rencontre … ou comme Daniel Buren aime dire … un outil visuel. J’ai combiné le jeu de pétanque français avec le jeu de quilles qui se trouve souvent à l’arrière des « pubs » en Angleterre. J’ai basé la forme de mes quilles sur le boulier chinois. Chaque quille représente un chiffre différent, de un à dix.

Alice et Michel sont originaires de la Loire, près de St. Etienne. Le père d’Alice a été champion de boules lyonnaises. Elle nous a permis d’utiliser ses boules lors de la manifestation. Les quilles ont été réalisées par Vincent Verlinde, un artisan local, qui a lui-même accueilli un artiste il y a un an, lors de la précédente manifestation.

 

 

Projet #04 : Le film : portrait d’une machine

Avec mon intérêt renouvellé pour les jeux de «  bowling  », j’ai décidé de rendre visite et de découvrir le bowling du Mans. J’ai été accueilli par Frédéric Le Terrec. C’est son père qui a crée le bowling à l’époque post-guerre. A l’arrière des pistes, tournent toujours des vielles machines qui trient les boules et les quilles. Elles font « clic », elles font « clac », elles ronronnent, elles bourdonnent.  Elles sont arrivées en France, avec  les films westerns, Elvis Presley et les premiers tracteurs. Ainsi au cœur d’une ville industrielle comme Le Mans, je me suis trouvé en train de songer à nouveau à la France rurale, le remembrement, l’industrialisation du bocage et l’agriculture intensive … ce à quoi Alice et Michel ont renoncé. Il m’a semblé que j’ai bouclé la boucle. I made a film and showed it on a flat-screen in the veranda.

Pour mon projet, pour Afiac 2012 à St Paul Cap de Joux, j’ai essayé de faire résonner toutes ces histoires qui sont venues à ma portée par les aléas de la vie.