Médiathèque, Château-Gontier, France.
30 mai au 30 août 2015.
DMC : Il y a un an, la Communauté des Communes de Château-Gontier a inauguré une nouvelle médiathèque. Elle est située sur une grande avenue. Cela nous a fait pensé à l’implantation du Musée Guggenheim sur la 5th avenue à New York.
AH : On est passé de l’idée de la bibliothèque du 19ème siècle, avec ses rayonnages assez denses, à une médiathèque bien aérée en « open space », et ponctuée par des fauteuils de Ron Arad et de Verner Panton. Il y a aussi un espace dédié aux expositions.
DMC : Quant à notre proposition pour cet espace, il nous semblait évident de présenter les éditions et les multiples d’artiste. A titre personnel, nous avons déjà une quantité importante de ce type d’objets. Nous avons aussi collectionné plusieurs choses qui ne sont pas forcément des œuvres d’art, mais plutôt des choses éphémères qui auraient dû disparaître.
AH : C’était important pour nous de relier ce que nous avons récolté sur le chemin de nos rencontres artistiques et surtout de partager. Pour moi cela semblait essentiel de montrer le travail de mon père, car c’est lui qui m’a amené à l’art. Dans un esprit totalement libre, il aime secouer le saladier des conventions culturelles. A côté de ces grandes installations comme celle de la soucoupe volante à la Chapelle du Genêteil en 2012, il a toujours cultivé et semé son écriture de signes épidémiques sur tout type de support. Parmi les objets et éditions que nous avons choisi de présenter, il y a cette petite boite très personnelle de « L’oiseau-poisson-homme », réalisée en 1989 lors d’un séjour à Barcelone.
DMC : Je n’ai pas été confronté à des idées radicales sur l’art pendant mon enfance. Je suis venu à l’art par un chemin quasi conventionnel : j’aimais dessiner, j’aimais peindre etc. C’est seulement lorsque je suis arrivé à l’école des beaux-arts de Glasgow que j’ai commencé à découvrir l’interrogation sur l’art-même, que l’art n’est pas forcement quelque chose de noble comme un tableau sur toile, il peut aussi être quelque chose de pauvre comme une boîte d’allumettes. Avec des camarades comme Jonathan Monk, Ross Sinclair et David Bellingham, et sous l’influence d’artistes comme Pavel Büchler, j’ai pu sans cesse témoigner d’une expérimentation sur ces « petites formes », à la fois conceptuelles et à la fois « pop ».
AH : Après mes études à Cergy-Pontoise, j’ai travaillé à la Galerie du Jour Agnès b, et j’ai pu apprendre le fonctionnement du marché de l’art. Pourtant, pour moi ce qui comptait le plus a été la rencontre avec de nombreux artistes. C’est ainsi que j’ai rencontré Roberto Martinez, un artiste qui travaille rarement seul, ayant crée « l’Allotopie », une proposition de réseau d’intervention qui se greffe sur les corpus de la société (espace public, internet…). Il utilise les codes de propagande (affiches, fanzines, stickers) avec une approche poétique et pleine d’humour pour soulever les ambigüités du pouvoir, le déséquilibre dans la société et les enjeux conventionnels de l’art.
DMC : Avec mon projet « Post Gods », j’ai eu l’occasion de travailler avec Pierre Belouïn et Optical Sound. Pierre est un artiste plasticien et commissaire d’expositions, il gère une maison de disque, il édite une revue, et il produit des objets sans distinctions. Il ne fait pas tout cela à côté de son œuvre, c’est son œuvre, expérimentale et généreuse. Pierre est clairement « cerveau et cœur », d’Optical Sound et beaucoup sont des artistes, musiciens et graphistes à avoir collaboré à ce projet collectif. Ici il nous propose une version de « The Circulating Library », réalisée pour la première fois en 2008 avec la complicité de Claire Moreux & Olivier Huz. En effet ceci est une tentative à représenter quelques liens possibles, réseaux au sein d’Optical Sound en empruntant la forme d’une molécule complexe inspirée des croquis de Buckminster Fuller. Le principe de la pièce est constitué de toutes les éditions sonores du label depuis 1997 et est amené à prendre de l’ampleur d’années en années au fur à mesure des nouvelles sorties. Pour écouter l’intégralité des disques il faut détruire la composition, déconstruire les liens.
AH : Aussi présent sont « Ecart Production » et les « Editions Cactus », les projets des artistes Philippe Lepeut et Thierry Weyd respectivement. Ce sont aussi des initiatives généreuses comparables à celles d’Optical Sound. Nous avons rencontré Philippe Lepeut lors de notre Post diplôme à Nantes. Il a toujours travaillé dans le dialogue constant avec les différents acteurs de la création, et il lui a semblé que les objets filmiques des artistes n’étaient pas suffisamment vus. Pour palier à cela et en parallèle de sa pratique personnelle, il a développé Ecart Production, maison d’édition et de diffusion. De la même manière, Thierry Weyd travaille essentiellement en collaboration avec d’autres créateurs, souvent plusieurs à la fois. Face à la grande machine du milieu d’art, les Editions Cactus sont pour lui une manière d’établir une autonomie de petite échelle. Avec ses amis, à travers la musique, la performance, l’écriture, le design ou le bricolage, ses réalisations sont souvent discrètes et intimistes. Son dernier projet collaboratif, « Le conteneur » est une manière de colporter un travail artistique vers un nouveau public par le biais d’une rencontre, et d’une approche « do-it-yourself ».
DMC : Il ne faut pas que nous donnions l’impression que tous ces objets viennent de notre collection personnelle. Pour que nous puissions produire une exposition à la hauteur de nos ambitions, beaucoup d’artistes et collectionneurs privés nous ont aussi prêté des œuvres, comme tes parents, Robert Fleck, Bertrand Gadenne ou Elsa Tomkowiak. Finalement, il y a une soixantaine d’artistes présentés dans cette exposition. Nous avons aussi emprunté des éditions à plusieurs FRAC. De plus, le FRAC des Pays de la Loire et de Bretagne, nous ont prêté leurs archives du projet NCDGQAD (Nous cherchons des gens qui aiment dessiner) de Gilles Mahé & Jean-Philippe Lemée. Les archives sont assez importantes et ainsi nous avons voulu consacrer l’espace d’exposition du rez de chaussée à ce projet artistique et social.
AH : Cette pièce de Gilles Mahé et de Jean-Philippe Lemée, se situe vraiment à mi-chemin dans la continuité de Robert Filliou jusqu’à nous. Nous avons eu très envie de faire partager cette pratique qui touche à l’absurde, et qui est lié à un processus de travail et dans lequel le public a pu intervenir. Leur projet a consisté à développer l’enseignement de la pratique du dessin par correspondance. Ils ont imaginé et mis en place un véritable établissement pédagogique pour enseigner tous les codes de la représentation. Ils ont même crée une grille de notation et de correction. L’école a existé entre 1994 et 1997. Ce que l’on présente ici est une sélection des affiches qu’ils ont produites suite à chaque séquence de travail. Nous présenterons également dans une vitrine les différentes archives qui montrent tout le processus de cette mise en œuvre, les courriers d’échanges, les dessins réalisés par les gens, les outils et les recettes de travail.
Anabelle Hulaut & David Michael Clarke
Ecart Production
Editions Cactus
Optical Sound
Médiathèque de Château-Gontier
Le Carré, Scène nationale – Centre d’art contemporain